In Search of a Soul: Spiritual Journeys, Gabriela Lupu / BIEFF Festival
Originally, HOWTO is presented to us as a conventional video tutorial, but as the computer program used starts becoming unpredictable, throbbing with autonomy, the film develops into an existential quest for meaning and spirituality. Mixing animation, motion capture and CGI, the tutorial evolves into a dynamic struggle for authority between the program and the author. Closing with a hypnotic contemporary dance full of emotion and poetry, Elisabeth Caravella unfolds a philosophical existential crisis, only to guide us to the conclusion that only by letting go and stop resisting change can you truly find yourself.
Elisabeth Caravella gives us an unusual experience that will make us rethink the way in which we look at video tutorials. The mirror used as an object to be molded through the software, in the parallel virtual universe is the symbol upon which the entire film is built, representing a method of examination and reflection of an inner world haunted both by fear and beauty. The software user's reflection in the virtual objects creates a tension between real and virtual worlds which reminds us of our own observational role. However, all of this disappears when the ghostly presence that haunts the software’s cyber space earns its autonomy and triggers the user’s existential crisis.
Gabriela Lupu, BIEFF
Elisabeth Caravella filme un logiciel hanté dans un “tutoriel cinématographique", Les Inrocks Lab
Créer une fiction à partir d'un tutoriel d'apprentissage de logiciel 3D ou tourner un film sur Photoshop : Elisabeth Caravella transforme son écran d'ordinateur en caméra pour réaliser des courts métrages à l'humour décalé.
Nous avions découvert le film Howto d’Elisabeth Caravella il y a environ un an, à l’occasion de l’exposition des étudiants du Fresnoy. La jeune artiste, passée d’abord par les Beaux-Arts de Poitiers et l’Ecole des Arts Déco de Paris, s’emparait des codes de la vidéo de tutoriel, insufflant à ce format, si cher à internet, une dimension poétique.
A l’occasion de la projection de Howto dimanche 30 août au Festival Silhouette à Paris, Elisabeth Caravella revient sur ce film court singulier et sur son dernier projet, présenté cette année au concours création vidéo “Sosh aime les inRocKs lab”.
Howto reprend la forme d’un tutoriel d’apprentissage de logiciel. Qu’est-ce qui t’intéressait dans ce format ?
J’en ai vu beaucoup dès mon adolescence. J’aimais faire des sites web, de la retouche photo et de la 3d. Les tutoriels sont idéals quand on habite au milieu de nulle part. Avec internet, on a tout sous la main et aujourd’hui le tutoriel vidéo est devenu un véritable phénomène. J’ai imaginé un tutoriel cinématographique, où l’histoire se construirait à partir de l’écran filmé avant de plonger à l’intérieur du logiciel. Howto est un peu pour moi un exutoire. Il prolonge des expérimentations que j’avais faites pendant mes études. J’avais déjà réalisé de faux tutoriels inutiles par exemple, où l’on apprenait à faire des doubles clics ou à mettre une playlist de deux chansons en mode aléatoire. Des trucs vraiment absurdes qui me faisaient jubiler. D’une certaine façon, Howto est aussi un autoportrait : il parle de moi tout en rendant hommage à mon outil et à mon époque.
Comment le film s’est-il construit ?
Le logiciel a été conçu comme un décor de cinéma. Il ne sait rien faire. J’ai beaucoup travaillé à partir d’improvisations que j’ai peaufinées petit à petit. Je ne savais pas où le film allait m’emmener et c’est sûrement pour cela que je l’ai fait. Je tenais à faire la voix off moi-même. Je crois que mon débit de parole et mes doutes rendent le tutoriel plus crédible, plus amateur.
Pour les mouvements du drapé, j’ai utilisé la motion capture en partenariat avec le studio Mocaplab. La danseuse et chorégraphe Aina Alegre improvisait à partir de mots et de sentiments que je lui indiquais. Ces danses ont beaucoup influencé l’histoire du film.
Dans Howto, le logiciel est habité par un élément incontrôlable, un bug incarné par une présence fantomatique qui évolue à l’intérieur de la machine. Cette fiction reflète-t-elle ta propre relation, en tant qu’artiste, aux nouvelles technologiques ?
Dans le système binaire de l’ordinateur, il y a des zéros et des uns, des oui, des non, mais pas de peut-être. Je voulais y intégrer une forme libre. Le drapé est un peu comme un bug, une création de l’ordinateur lui-même, une réminiscence. L’ordinateur est pour moi comme une maison secondaire, un atelier, mais c’est aussi un médium rigide et froid. Je crois que je me bats avec cette machine pour la rendre la plus humaine possible. Je suis par exemple fascinée par les calculs mathématiques qui permettent de créer en 3d des matières organiques ou dynamiques comme l’eau, les cheveux, ou les tissus. Les algorithmes qui ont conçus le drapé de Howto peuvent prédirent comment le tissu va tomber, avec quels plis. C’est fascinant à quel point la 3D semble parfois si réelle.
Ton film Hypersensible, réalisé cette année, est quant à lui une fiction entièrement filmée sur Photoshop dans un esprit très low-fi. Quel était le point de départ de ce projet ?
Il m’arrive quand j’utilise Photoshop de commencer à bouger les éléments, de les faire parler entre eux quand je procrastine. J’avais réalisé une première tentative de film sur Photoshop pendant mes premières années d’études. Je trouvais intéressant de montrer la manipulation des images d’une façon totalement absurde et un peu cheap. Faire de Photoshop, qui est devenu tellement puissant au fil des années, un logiciel de tournage. Google Images était devenu mon studio de production : quand je voulais un décor, je tapais “poste de police”, ou je cherchais “actor studio” pour trouver mes acteurs et je finissais par tomber sur David Hasselhoff ou Johnny Depp.
Cela faisait longtemps que je voulais reprendre cette idée. J’aimerais d’ailleurs en faire une web-série, dont Hypersensible serait le pilote, mais plus libéré encore de la forme narrative.
Tu utilises, dans Howto comme dans Hypersensible, un logiciel de capture pour filmer l’écran. En quoi cette technique t’intéressait ? C’est un peu une mise à distance de la caméra en tant qu’objet, l’écran de l’ordinateur devenant le lieu du tournage, du montage et de la diffusion…
Je me trouve assez gauche avec les codes du cinéma. J’ai déjà réalisé des films plus “classiques”, avec une caméra, mais je suis moins à l’aise. A moins que ce ne soit une forme documentaire, ce n’est pas mon bac à sable ! J’ai finalement trouvé un nouveau moyen de tournage plus personnel et plus inattendu. En filmant l’écran, on voit tout de suite le résultat, on sait exactement ce que l’on filme, c’est très frontal. L’écran d’ordinateur devient une caméra. Au final ne restent que le logiciel avec les mouvements de la souris et la voix. Ces contraintes laissent une part assez grande à l’imaginaire.
Les deux films sont empreints d’un humour absurde et presque contenu. Le logiciel présenté dans Howto par exemple permet à créer des textes en 3d démodés… Etait-ce déjà le cas de tes précédents travaux ?
J’essaye de me faire rire à chaque fois, en espérant que cela fasse rire au moins mes amis ! Parfois j’ai honte de tant d’absurdité qui m’échappe. Mais je pense qu’on ne rit pas de rien mais plutôt parce que quelque chose nous a touché. Il y a dans les tutoriels tout un hors-champ sonore que je trouve fascinant. C’est une ouverture sur un espace intime. On entend parfois, tandis que la voix explique comment réaliser un magnifique rendu 3d, des bruits de couverts, la mère qui dit “à table”… des éléments qui n’étaient pas prévus dans le film mais qui permettent d’imaginer qui est cette personne, l’espace tridimensionnel où elle se situe…
Dans tes deux films, la solitude de cette personne qui, seule devant son écran, essaye de communiquer un savoir-faire ou se raconte une histoire, est en effet très touchante.
C’est peut-être parce qu’au fond je ne joue pas vraiment. Il y a un petit côté “cinéma vérité” dans ces films, je suis réellement seule à parler devant mon ordinateur. Je crois également que cela doit refléter une défiance que j’ai vis-à-vis des nouveaux moyens de communication, des réseaux sociaux notamment dont j’ai beaucoup de mal à me faire.
Même avec internet, on se retrouve seul, jusqu’à s’inventer des fantômes. Enormément de gens partagent des tutos mais, au final, on est tout de même seul devant son écran tandis que l’on regarde une personne seule derrière le sien. Quand on parle à tout le monde, et donc à n’importe qui, on ne parle peut-être à personne.
Anna Hess / Les Inrocks Lab
Entre cinéma et arts numériques, Anna Hess / Les Inrocks Lab
Elisabeth Caravella décrit Howto comme un « tutoriel fictionnel ». Cette ancienne étudiante de l’École européenne supérieure de l’image de Poitiers et de l’École des arts décoratifs de Paris s’est inspirée de son propre apprentissage autodidacte de l’animation et de la motion capture, tout en cherchant des possibilités d’improvisation dans la création 3D. En visionnant de nombreux tutoriels sur internet, elle est frappée par leur potentiel cinématographique. Tentant d’expliquer le fonctionnement d’un logiciel qui s’avère rapidement incontrôlable, une jeune femme découvre une forme vivante dansante, un drapé fantomatique, qui erre à l’intérieur de cet espace virtuel. Du tutoriel drôle et absurde s’ouvre alors une brèche vers un univers poétique. Sortant du logiciel, le fantôme pénètre même l’espace de la nef dans une installation virtuelle in situ (utilisant des lunettes de réalité virtuelle Oculus Rift), véritable extension du film.
Anna Hess / Les Inrocks Lab
http://www.lesinrocks.com/lesinrockslab/news/2014/07/panorama-16-fresnoy/
L'ange et la bête, Sabine Barbé, historienne de l'art
Drapés : c’est ainsi que notre jeune artiste Élisabeth Caravella a intitulé ses dernières productions. Si on a tout lieu de s’interroger sur l’étrangeté de cette « forme » qui évolue dans l’espace, on reste pourtant subjugué par ces figures familières et telle est bien l’ambiguïté stimulante de ce travail.
Expliquons : un corps à la fois invisible et absent tout drapé de blanc, se meut là, quelque part, devant nous.
Car si nous saisissons bien, en ces plis, l’écho des sursauts exaltés des saintes baroques, celui des mystérieuses enveloppées de Gaétan de Clérambault ou les envols grisants de la Loïe Fuller -et bien davantage encore-, ici, au bord de tout cela, acceptons ravis, ce saut dans l’inconnu.
Suivons donc cette « chose », ce « fantôme », cette « figure » mi-corps mi-drapé qui s’emporte, gesticule, s’élance, flotte et danse selon la volonté -ou les caprices- de son auteur. Où ça ? Là, ici dans ce fond qui fait scène, un espace justement, qui donne corps à l’ensemble car il y a bien malgré tout du corps là-dessous ; des fesses, des hanches, des courbes, des monts et des vaux comme sculptés de l‘intérieur : naissances. J’aime ces formes claires qui bouillonnent, s’élèvent, retombent, viennent et s’en vont, apparaissent et disparaissent dans ces fonds clairs : immersions, fusions, résurrections.
Voici maintenant des paysages embrasés, liquéfiés, aspirés par la violence du combat, catastrophe toujours passée et toujours imminente.
Et puis devant la beauté superbe de ces cascades, l’étreinte fugace du souvenir : j’ai embrassé l’aube d’été. Qu’est-ce que l’art sinon cette trace laissée, comme le dit le philosophe « de ce passage qui mène du chaos à la composition » ?
Et quelle composition ! Une animation-vidéo, entièrement réalisée par ordinateur, une parodie de tutoriel, m’a-t-on dit.
Sabine Barbé, historienne de l'art.
Télescopage d’images au fresnoy, Marie Lechner / Libération
«On filme avec l’écran qui le diffuse, le logiciel est à la fois le décor et le personnage», résume Élisabeth Caravella qui explore dans Howto l’univers du tutoriel, ce guide d’apprentissage informatique pour se former tout seul, pas à pas, à un logiciel. «J’ai presque tout appris ainsi, ces tutoriels ont bercé mon adolescence, c’est un mode de communication et de transmission qui me fascine», dit l’artiste. L’action se déroule à l’intérieur d’un tutoriel qui aide l’utilisateur à créer un texte en 3D, mais la démo didactique devient, petit à petit, surréaliste, perturbée par un drapé sauvage, comme un souffle de liberté dans la rigidité formelle. Ce drapé virevoltant sans corps, véritable ghost in the machine, est également présent in situ sous la forme d’une installation de réalité virtuelle. Fantôme qu’on ne peut voir qu’à travers un masque Oculus Rift, il danse au-dessus de la nef qui autrefois accueillait les bals populaires, tel un bug dans la réalité. «Je souhaitais partager cette sensation d’être à l’intérieur d’un logiciel».
Marie Lechner / Libération
http://www.liberation.fr/culture/2014/06/11/telescopage-d-images-au-fresnoy_1038649
Je drape, Emilie Duval, styliste
Le drapé est un jeu d’accroches et de glissements, de contrôle et d’échappement.
Une surface est abandonnée à sa propre pesanteur et à celle des corps qu’elle rencontre. C’est un principe qui se plie et s’étale, épouse les creux, enveloppe les pleins. Nous drapons pour couvrir une peau, poser un écran, masquer une scène et jouer, en substance, de l’animé et de l’inerte.
Pour son projet, Élisabeth m’a proposé de draper sans drap, sans trame, sans fil, sur un sujet absent, dans un espace numérique et virtuel. J’ai décidé de la suivre dans son processeur, me laisser guider par une ordonnatrice à dimension humaine, pour défier la logique du logiciel.
Nous avons drapé des calculs autour d'un calcul dans un calcul pour tester les limites du code et de notre propre souffle. Et, en cherchant la faille, par surprise, je me suis émerveillée d’une contraction, d’un frémissement, d’une hésitation que mon imaginaire ne connaissait pas.
Emilie Duval, styliste.
Ghost dancer, Aina Alegre, danseuse et chorégraphe
"Lorsque je regarde ce drapé qui danse, je reconnais mes habitudes corporelles, mes propres mouvements. Cette impression persiste alors même que parfois, la figure humaine disparaît, le corps devient abstrait et c'est la matière même du tissu que l'on voit. C'est intéressant de voir comment le drapé, les couleurs et l'espace virtuel modifient la danse que j'ai proposé le jour du tournage. Il s'agit maintenant d'un univers qui est loin des premières improvisations. Le drapé exacerbe le corps, le transforme, le fait disparaître au point de ne plus savoir d'où vient le mouvement et ce qui l'a conduit. Il métamorphose le corps en texture, en volume... il devient une forme mouvante, un corps mutant....
J'aime les projets qui me permettent d'appréhender la danse et son processus créatif de manière inhabituelle.
Ce qui différencie Howto d'un projet plus classique faisant appel à la danse, c'est qu'ici les mouvements que j'ai réalisés ne sont pas uniquement le fruit d'un travail chorégraphique, mais constituent une matière que Élisabeth à façonné avec ses propres outils pour créer une chorégraphie parallèle.
Habituellement, le processus est inverse : nous dansons en proposant au chorégraphe des possibilités de mouvements et d’enchaînements, qu'il retient où non. A la suite de cela, il écrit sa chorégraphie que nous interprétons avec notre sensibilité, l'adaptons à la scène, à la lumière… C'est un travail constitué d'aller et retours entre le créateur et notre interprétation. C'est pourquoi j'ai dansé, lors de l'enregistrement de la motion capture, sans penser au résultat final, sans imaginer ce que l'on verrai à l'écran, une sorte de jeu où il me fallait interpréter en mouvements les mots et les idées que Elisabeth me transmettait.
J'ai ressenti une certaine liberté dans ce processus créatif car n'intervenant qu'à un moment précis de la création du projet, je n'avais pas idée des contraintes techniques et matérielles que ma danse pourrait engendrer. Je savais que mes mouvements seraient transformés et que la danse prendrait vie grâce au travail de montage, de mise en scène, de lumière et bien sur au travail de création de ce "costume-matière"..."
Aina Alegre, danseuse et chorégraphe
Jean-Pierre Jeunet récompense une jeune poitevine, Vincent Touveneau2